Que de sons envoûtants nous sont offerts par la fascinante Bretagne aux lieux mythiques, dont les noms résonnent comme autant d'incantations druidiques...
Mais bien avant les druides, la Bretagne était habitée depuis déjà 750 000 ans.
5.000 ans avant J.-C., des populations étaient sédentarisées, s'installant dans les vallées, près des points d'eau. C'est à ces dernières que nous devons les impressionnants mégalithes : menhirs, dolmens et cairns.
La Bretagne, "Breizh", de son nom originel, fut touchée dès le Ve siècle avant J.C. par un deuxième afflux de peuples celtiques venus de Grande Bretagne. Les Celtes imposèrent leur langue et leurs coutumes. Puis en 56 av. J.C., ce fut la conquête romaine. "Breizh" se latinisa en "Brittania" (ou aussi "Britannia") signifiant littéralement "le Pays des Bretons". Dès le Ier siècle, "Britannia" désignait la Bretagne insulaire, vaste province romaine qui comprenait l’Angleterre (l'Île de Bretagne), le pays de Galles et le sud de l’Écosse.
Cette partie maritime de la Gaule continentale et son arrière-pays (notre Bretagne) se nommait également en celtique continental ou gaulois "Aremorica" : "le pays qui fait face à la mer",
le pays des Aremorici "ceux qui habitent devant la mer, près de la mer" et comprenait également l'actuelle Normandie. Armorica est la
latinisation de ce terme d'où le nom de "Massif armoricain".
Mais revenons à Breizh, l'Armorique bretonne celtíque du Ve siècle av. J.C.
Le territoire est occupé par cinq peuples principaux qui ont laissé leurs noms à quelques villes. Ainsi :
- Rennes (Roazhon en breton) tient son nom du peuple des Redones (en latin, "les cochers ou les cavaliers") résidant dans l'Est de l’actuel département de l’Ille-et-Vilaine. (Le nom de la ville de Redon est sans rapport avec celui de la tribu des Redones qui ont laissé leur nom à Rennes).
- Corseul (Kersaout) doit le sien aux Coriosolites ("les troupes qui veillent") dont le territoire se situait dans l'Est de l'actuel département des Côtes-d'Armor, dans l'Ouest de l'Ille-et-Vilaine et le Nord-Est du Morbihan.
- Vannes (Gwened) tient son nom du peuple des Vénètes ("ceux qui ont les cheveux blancs") qui s'étaient impalantés dans l’actuel Morbihan, apparentés aux peuples homonymes de Vénétie et du Gwynedd (région du pays de Galles).
- Les Osismes (dont le nom signifie "les plus hauts" ou "ceux du bout du monde") étaient localisés dans l'actuel département du Finistère et la partie ouest des Côtes-d'Armor et du Morbihan, l'Île d'Ouessant comprise (en breton Enez Eusa, "l'ile la plus haute" ou "la plus éloignée"). Leur capitale était Carhaix.
- Nantes, elle, a hérité de celui des Namnètes qui résidaient dans l'actuel département de la Loire-Atlantique, au nord de la Loire.
"Ker-", "Guen-", "Plou-" "Tre-", survolons quelques-uns des toponymes du cru breton.
La toponymie bretonne se compose d'une part des toponymes brittoniques et d'autre part des toponymes romans ou romanisés.
Les appellatifs toponymiques et les anthroponymes (noms de personnes donnés à des lieux) issus du breton se concentrent essentiellement à l'ouest de la Bretagne (Bretagne bretonnante) et les toponymes romans dans sa partie est et sud (Bretagne gallo).
Kernevez, Kervignac, Kerfeunteun, Kerfourn, Kermoroc'h
"Ker" en breton signifie "lieu habité", allant du village à la forteresse.
Kernevez : "le nouveau village" ;
Kervignac : "le village de Veneius" :
Kerfeunteun : "le village de la fontaine" ;
Kerfourn : "le village du four" :
Kermoroc'h est composé de "Ker" - "Mor" et "Roc'h" : "le village entre mer et rochers".
Nous retrouvons l'appellatif "Mor" dans "Morbihan" ("Mor-Bihan" en breton) : "la petite mer".
Guenrouet, Le Pouliguen, Guéméné, Porzh-Guen, Guingamp, Guérande, Vannes
"Gwenn" signifie "blanc, pur, sacré".
Guenrouet (en breton Gwenred), "le gué sacré" :
Le Pouliguen (Ar Pouliguen) : "l'anse blanche" ;
Guéméné (Gwenvenez - Penfaou) : "la colline blanche" ;
Porzh-Guen : "le port blanc" ;
Guingamp : “champ blanc” ou "champ laissé en friche ;
Guérande : "terre blanche" ou "champ stérile" ou encore
"parcelle consacrée".
Vannes (Gwened) : "le pays de ceux qui ont les cheveux blancs".
Pen-Hir, Penguilly, Penmarc'h, Penn-ar-Bed (Finistère)
"Penn" signifie "tête, bout, cap, extrémité, origine".
Pen-Hir (Beg Penn Hir) : "la longue pointe" ;
Penguilly (penn-killi) : "le bout du bois" ou "pen-guilly" "tête de lumière" ;
Penmarc'h : "tête de cheval" : Finistère (Penn-ar-Bed) : "le bout du monde".
Guern, Vern
"Gwern" en breton signifie "aulne", "aulnaie", "marais".
Guern et Vern-sur-Seiche (Gwern-ar-Sec’h) ont la même racine.
La Bretagne a longtemps été considérée comme le bastion catholique de la France, en témoignent souvent les appellatifs préfixés comme "Plou/Plé", "Tré" et "Loc" :
Plounévez, Plougastel, Plouhinec, Pléboulle, Ploërmel, Ploumanac'h
"Plou-" ou "Plé-" - en latin "plebem", peuple - prend le sens de "paroisse" en breton.
Ainsi Plounévez : "la nouvelle paroisse" ;
Plougastel : "la paroisse du château" ;
Plouhinec : "la paroisse aux ajoncs" ;
Ploërmel : "paroisse d'Arthmael" ;
Pléboulle : "la paroisse dédiée à Saint - Paul" ;
Le cas de Ploumanac'h est un peu différent puisque ce nom provient de la déformation du breton "Poull Manac'h", "Poull signifiant "l'anse" ou "la mare au moine".
Tréguennec, Trégarantec, Tréhoranteuc, Trégastel, Trébédan
"Tré-", issu du vieux breton "Treb-", "Trev-" signifie "le quartier", "l'habitation", "le village" puis "grève" (annexe paroissiale).
Tréguennec : "le beau village" ;
Trégarantec : "l'habitation aimable" ;
Tréhorenteuc : "pays de la charité" ;
Trégastel : "trêve du château" ;
Trébédan : "village de saint Petran".
Locronan, Locmaria, Loctudy, Locmiquélic, Locminé
"Lok" (du latin "locus", avec ici le sens de lieu sacré, église ou ermitage dédiée à un saint).
Locronan : "lieu consacré à Ronan" ;
Locmaria : "le pays de la Vierge Marie" :
Loctudy : "lieu consacré à Tudy"
(fondateur de la première communauté chrétienne au Ve siècle) ;
Locmiquélic : "l'ermitage de Miquelic" (Michel) ;
Locminé (en breton "Loc Menech") : "le lieu des moines".
Plogoff, Roscoff
"Goff", forgeron, peut aussi être lié au dieu forgeron "Gofannon".
Roscoff : de "Ros", "tertre", "butte", "le tertre du forgeron" (ou de Gofanon) ;
Plogoff : "la paroissse de Saint Cov, saint breton dont le nom se retrouve dans celui du village de Lescoff.
Le Pays des Bretons
Nous l'avons dit plus haut, à l'époque romaine, la dénomination de "Bretagne" (Britannia) s'étendait jusqu'au sud de l'Écosse. Afin de préserver
cette grande province romaine
des tribus "barbares"
(les Pictes) et de leurs multiples attaques,
deux murs - frontières furent édifiés par les Romains :
le Mur d'Hadrien et le Mur d'Antonin.
Entre 122 et 127 ap. J.C., l'empereur Hadrien fait édifier un mur de défense situé au nord de l’Angleterre (à la frontière approximative de l'Écosse) à un endroit resserré entre l’embouchure de la Tyne en Mer du Nord et le Golfe de Solway Firth en Mer d’Irlande. D'une hauteur de 4,5 mètres et de 2,7 mètres de d'épaisseur le mur d'Hadrien s'étendait sur 117 kilomètres. Il était flanqué de trois cents tours et protégé par dix-sept camps retranchés.
Plus tard, vers 140, l'empereur Antonin - successeur d'Hadrien - fit ériger un autre mur en Grande-Bretagne doublant plus au Nord le mur d'Hadrien. Long de 60 km environ, il était situé entre le Firth of Forth et la Clyde (Écosse).
Un peu d'histoire
En 851, un Royaume de Bretagne - entité éphémère - est constitué.
C'est le Duché de Bretagne qui lui fait suite en 939 (dont Anne de Bretagne demeurera la plus célèbre duchesse).
L'union du Duché de Bretagne au royaume de France deviendra définitive en 1532 sous le règne de François Ier.
Plus tard, sous la Révolution Française, c'est l'épisode de la Chouannerie, guerre civile qui toucha l'ouest de la France et opposant dès 1791 les royalistes (Chouans et Vendéens) aux républicains.
Le nom de "Chouan" en langue gallo signifie "chat - huant", ou "chouan", nom local de la chouette hulotte. Pour s'avertir et se reconnaître, les rebelles contrefaisaient le cri du chat - huant.
L'appellation de "Chouan" se généralisa aux autres royalistes armés dans les provinces de l'ouest.
Le blason de la Bretagne : "d'hermine plain"
Devise de la Bretagne : "Kentoc'h mervel eget em zaotra" soit "Plutôt la mort que la souillure" (Xe siècle).