"Avoir le béguin"
Le 07/08/2014
Connaissiez-vous l'origine de l'expression "Avoir le béguin de..." ?
Cette expression trouve sa source au XIIe siècle. On l'utilise pour parler d'une personne éperdument amoureuse au point d'en être aveugle. Le terme en usage était "être coiffé(e)", à l'instar de ceux qui portent un bonnet enfoncé jusqu'aux yeux. De "coiffé" à "embéguiné" il n'y eut qu'un pas et c'est ainsi qu'en l'espace de deux siècles l'expression "avoir le béguin de..." acquit ses lettres de noblesse.
Au XIIe siècle, à Liège (Belgique), apparaît le premier couvent de soeurs de l'ordre de Saint-François. Ces religieuses, les béguines. - portaient une coiffe en toile fine : le "béguin". "Béguine" et "béguin" dérivant du nom du fondateur de ce couvent : Lambert Le Bège (1131 - 1177). Plus tard, il s'agira d'une coiffe que l'on faisait porter aux enfants sous leur bonnet.
Un peu d'histoire
Dès leur constitution, les béguines furent les premières "religieuses dans le monde". N'ayant fait vœu d'appartenance à aucun ordre religieux, elles avaient une liberté d'action caritative que n'avaient pas les moniales cloîtrées. Elles s'installaient souvent à proximité d'une église paroissiale. Leurs logis étaient indépendants mais, rassemblés pour mieux se protéger, s'entraider et surtout pratiquer leurs dévotions et activités caritatives, ils formaient un béguinage. Cependant, il arrivait qu'elles puissent tout aussi bien vivre dans leur famille, voire avec un époux. Leur caractéristique était l’absence de règle : elles pouvaient choisir de faire un vœu, souvent de chasteté (avec l’accord de leur époux si elles étaient mariées).
À travers une règle de vie très souple, les béguines cherchent une nouvelle manière d'exprimer leur foi. C'est une sorte de démocratie avant l'heure. Il n'y a pas de mère supérieure, juste une "Grande Dame" élue pour quelques années. De même, chaque béguinage édicte ses propres règles, toujours modifiables. Rien n'est imposé : ni l'habillement, ni l'habitat. La plupart des béguines vivent seules dans une maisonnette où elles prennent leur repas. Les plus pauvres rejoignent la maison communautaire, le couvent. Le travail, moyen d'émancipation économique, fait partie de leur existence. Elles s'occupent du blanchissage des draps, du lavage de la laine, travaillent à la ferme, fabriquent des bougies. Les plus instruites se tournent vers l'enseignement. Enfin, grâce aux infirmeries présentes dans les béguinages, elles acquièrent un savoir-faire médical.
Beaucoup d'entre elles vivent aussi leur foi en s'adonnant à l'art.
Mais cette émancipation, et l'absence de règle précise étant inacceptables pour l'Église, le deuxième concile du Latran mit fin à ce "désordre" en 1139 : déclarant hérétiques les manichéens et les gnostiques, il formula les premières condamnations contre les cathares et les béguines. Plus tard, le Concile de Vienne (1311-1312) se réunissant à la demande du roi de France Philippe le Bel statua sur la dissolution de l'Ordre du Temple et prononça l'interdiction des béguinages. En 1311, la mystique Marguerite Porete fut brûlée à Paris pour hérésie.