Connaissiez-vous l'origine de l'expression "Comment allez-vous ?" ?
L'expression remonte à l'Antiquité romaine. L'usage voulait que l'on s'enquière de la santé d'une connaissance lorsqu'on la rencontrait en lui disant : "Quomodo vales ?", "Comment vas-tu ?".
"Vales", du verbe "valere", signifiait "être bien portant".
Or, ce que l'on entendait à l'époque par "être bien portant", concernait la régularité avec laquelle on allait à la selle ainsi que la consistance et la couleur des fèces qui étaient les indicateurs d'une bonne ou d'une mauvaise santé.
Cette phrase sous-entendait donc : "Comment allez-vous à la selle ?".
L'expression conserva tout son sens lorsqu'elle fut reprise en français, mais la fin de la phrase s'est perdue. On sait que dès l’antiquité d’extraordinaires qualités thérapeutiques sont attribuées à l’urine.
Au Moyen-Âge, les médecins sont tout aussi attentifs au dégagement du ventre qu'aux urines et pratiquent les lavements à l'aide d'un clystère ; une abondante littérature en témoigne.
Au XIIIe siècle, le mot "selle", du latin "sella" désignait un siège, plus précisément
le "siège des artisans qui travaillent assis" ou le "siège des professeurs", mais également, la selle du cavalier. À la fin du XIVe,
"la selle" (au singulier) désigne les excréments.
Plus tard, au XVe siècle, le mot devint synonyme de "chaise percée", siège sous lequel un pot était placé et que l'on appellera successivement "selle aisée", "selle nécessaire" puis "selle percée". La "garde-robe" désignait une pièce où se trouvait la chaise percée : "aller à garde-robe" se disait pour "aller à selles".
Henri IV utilisait le terme de "chaise d'affaires". On prêtait de l'importance à connaître l'état des selles, les médecins croyant que les humeurs trahissaient l'état intérieur. Les selles étaient mirées quotidiennement par le médecin royal, qui examinait, sentait et goûtait éventuellement le contenu des chaises d'affaires, déclarant souvent qu'un "dérèglement de boyaux" pouvait être fatal.
Louis XIV déjeunait, dînait et soupait souvent en public.
Moyennant 60 000 écus voire 100 000 écus, un gentilhomme pouvait obtenir un "brevet d'affaires". Ce brevet octroyait à leurs détenteurs le privilège de rencontrer le roi Louis XIV sur sa chaise percée, occupé à se soulager. Le roi se mettait en cette situation plus par cérémonie que par nécessité.
Un porte-chaise d'affaires pouvait acquérir sa charge au prix de 20 000 livres ; celle-ci était reprise à sa mort par son fils. Son rôle consistait à dissimuler les selles royales.
La matinée du roi commençait ainsi :
8h30 : Petite Entrée du médecin et du chirurgien ordinaire, de l’intendant et du contrôleur de l’argenterie, du premier valet de la garde-robe, puis "entrée d'affaires" des gentilshommes titulaires du "brevet d’affaires". Le roi s'installait sur sa "chaise d'affaire", le barbier achevait de le peigner et de lui ajuster sa perruque.
(Sous Louis XV, les mœurs changèrent et le roi s'enfermait dans son "cabinet d'affaires".)
Pas moins de deux cents chaises d'affaires étaient réparties dans le château de Versailles.
Au XVIIe siècle, les rares cabinets de toilettes publiques (Louvre, Versailles, etc.) étaient très encombrés ; les besoins se faisaient en commun, les discussions et confidences allant bon train, rythmées par les allées et venues. Mais tout le monde n'adoptait pas cette attitude publique.
Pour autant, et contrairement à ce qui est souvent rapporté, on ne se soulageait pas systématiquement sous un escalier ou dans un endroit plus ou moins discret. Des porteurs mettaient à disposition des seaux pour assurer quelque commodité, moyennant une petite rétribution.
Plus récemment, chez les militaires (principalement dans la légion), lorsqu'ils étaient en campagne ou à l’époque coloniale, les maladies tropicales et la dysentrie étaient très redoutées car elles étaient souvent mortelles. Ainsi, la question "Comment vas-tu ?" était devenue, par convention, "les urines sont-elles claires ?" ou encore "les selles sont-elles bonnes ?".
N.B. Dans l'Antiquité, on aurait utilisé la chaise percée dans le déroulement de l'accouchement, notamment lors de la délivrance, pour faciliter l'expulsion du placenta sous l'effet de la pesanteur. Cette chaise était en usage au XVIe siècle.