Connaissiez-vous l'origine de l'expression "Mener une vie de bâton de chaise" ?
Cette expression, définissant un vie désordonnée, agitée voire dissolue, nous vient du XVIIe siècle, époque à laquelle les "chaises à porteurs" sont apparues en France.
La chaise à porteurs était un siège fermé et couvert porté par deux hommes équipés de sangles, permettant de protéger le passager ou la passagère non seulement des intempéries, mais également de la boue ainsi que des ordures qui jonchaient les rues. Elle se composait d'un petit habitacle en bois et de deux longs bras latéraux amovibles appelés "bâtons de chaise" qui permettaient de la soulever ; une portière permettait de s'y installer.
Probablement importée d'Angleterre, cette chaise ambulante, apparaît tout d'abord en tant que service public : ancêtre du taxi, elle est à l'époque le véhicule le plus adapté pour les courts trajets en ville.
Moyen de transport urbain maniable et peu encombrant, la chaise à porteurs fut très utilisée par les personnes de qualité dans toute l'Europe au XVIIIe siècle. D'ordinaire, les chaises à porteurs se trouvaient dans le hall d'entrée des belles demeures, de sorte qu'une dame pouvait y entrer et atteindre sa destination sans avoir jamais à poser son pied délicatement chaussé sur les voies fangeuses. Au retour d'un déplacement, on entrait dans les maisons avec ces chaises que l'on déposait dans les grandes antichambres, puis on en ôtait les bâtons afin ne pas encombrer l'espace.
L'expression "Mener une vie de bâton de chaise" fait donc référence à ces bâtons qui, d'une part étaient constamment manipulés, soulevés, posés, tirés pour dégager la porte de la chaise, remis en place, mais aussi au fait que les porteurs, en attendant le retour de leur passager(e), allaient au cabaret, emportant leurs bâtons pour qu'on ne les leur vole pas.
Au gré des circonstances, ces bâtons amovibles servaient également aux porteurs à se frayer un chemin à travers la cohue, à garantir la sécurité du passager et même, parfois, à le menacer pour le forcer à payer la course. A la sortie des tavernes, les litiges entre concurrents se réglaient à coups de bâtons. La chaise à porteurs, associée à l'Ancien Régime et à l'aristocratie, disparut avec la Révolution française. Elle restera cependant en usage jusqu'à la Belle Époque, notamment dans certaines stations thermales, pour le transport des curistes.
Un peu d'histoire
Sous des formes voisines, la chaise à porteurs existait depuis l’Antiquité, en Afrique et en Asie (palanquin, kago et norimono au Japon). Elle se présentait sous des aspects quelque peu différents ; en Asie, en particulier, la chaise à porteurs peut revêtir de nombreuses formes, dont la plus caractéristique est sans doute le palanquin.
En France, le Moyen Âge voit apparaitre les premiers textes de loi relatifs à la voirie. Jusqu'au XIIIe siècle, les ruelles des villes, vue leur étroitesse, ne comptent guère que des piétons ou des cavaliers. En revanche, les nobles commençant à utiliser des chars, le roi Philippe-le-Bel (1285-1314) est amené à en limiter l'usage.
À la différence des litières des Romains ou des hommes du Moyen-Âge où le passager était couché, la chaise à porteurs offre un siège qui permet de voyager en position assise et limite le nombre de porteurs.
Les "chaises dorées" et "chaises bleues" de Versailles.
Certaines personnes utilisaient les chaises pour gagner leurs appartements-mêmes. C'est ce que faisait Madame de Maintenon à Versailles. Aussi la maison de Louis XIV fut-elle dotée d'un service de garçons porte-chaise, qui bénéficiaient d'une grande considération auprès du souverain. Un tel privilège ne pouvait que susciter des émules et, concurremment aux "chaises dorées", un service de "chaises bleues" fut créé. Les "chaises bleues", contrairement aux "chaises dorées", furent mises en régie, c'est-à-dire que tout en continuant à faire partie du service de la cour, on permit à l'entrepreneur de les louer au public. Est-ce cette circonstance qui rendit intraitables les porteurs de chaises bleues ?
Quoi qu'il en soit, en 1736, le grand prévôt dut édicter des ordonnances de police pour sévir contre l'insolence de ces gens qui, malpropres et mal vêtus, ne cessaient de se quereller et de maltraiter le public. Une intéressante invention est la "vinaigrette" - qui tient sont nom de sa ressemblance avec les petites voitures des vinaigriers - aussi appelée "brouette". Inventée au début du XVIIe, il s'agit d'un véhicule mixte, ayant l'aspect général d'une chaise à porteurs, mais montée sur roues et dotée de ressorts.