Connaissiez-vous l'origine de l'expression "Au grand dam de..."
Elle est utilisée pour dire "au grand dépit", "au grand courroux", "au grand désavantage", "au grand désarroi", "au préjudice" ou "au grand regret" de quelqu’un.
Le mot "dam" apparaît en France au IXe siècle dans les Serments de Strasbourg. Issu du latin "damnum" (préjudice), il est utilisé par les juristes de l'antiquité pour parler de "dommage" (physique ou moral) causé à une personne. "Dam" est l'ancêtre du mot "damage" (vers 1080), qui devint "domage" puis "dommage" vers 1160.
Sur le plan religieux la peine du dam correspondait à la damnation, "damnare" en latin signifiant "condamner".
"Damnum" (préjudice) est la forme neutre d’un ancien participe de "dare" (donner). Les Anciens considérant le voeu comme un
contrat passé avec la divinité,
on trouve souvent l’expression
"damnatus voto" signifiant
"astreint, obligé, tenu" par religion d'accomplir ce que l'on a promis.
Jusqu'au XIXe siècle, le mot "dam" est resté en usage mais sous une forme figée : "À mon dam", "à son dam" etc. Puis il a disparu, ne demeurant dans la langue française que sous la forme de l'expression que nous lui connaissons actuellement. On retrouve sa racine dans les mots "endommager", "dédommager" mais également dans "indemne" (qui n'a pas subi de dommage).
Un peu d'histoire
Le 14 février 842, les Serments de Strasbourg signent l'alliance militaire entre Charles le Chauve et Louis le Germanique, contre leur frère aîné, Lothaire Ier. Ils sont tous trois les fils de Louis le Pieux, lui-même fils de Charlemagne.
Louis le Germanique déclame son serment en langue romane (ancêtre de la langue française) pour être compris des soldats de Charles le Chauve. Et Charles le Chauve prononce le sien en langue tudesque (langue germanique) pour qu'il soit entendu des soldats de Louis. Cette façon de procéder constitue aussi, outre la compréhension par les soldats de l'autre partie, un acte symbolique.
Le texte roman des Serments a une portée philologique et symbolique essentielle puisqu'il constitue, pour ainsi dire, "l'acte de naissance de la langue française" dans le cadre d'un accord politique d'envergure historique.
Rédigé en roman et en tudesque, il constitue le plus ancien document écrit dans ces deux langues.. Ce n'est évidemment pas une oeuvre littéraire mais un document politique de premier ordre pour comprendre l'accession à l'écriture de la langue dite "vulgaire" (dans le sens de "vulgus", populaire, le commun des hommes).