Connaissiez-vous l'origine de l'expression "Prendre son pied" ?
L’expression aurait son origine dans l’argot des pirates et corsaires. Prendre son pied, c’est partager le butin mesuré à l’aide du pied, l’unité de mesure, d’où le sens de plaisir partagé.
Le pied est une unité de longueur qui existait depuis l'Antiquité, il est attesté depuis le début du IIIe millénaire av. J.-C.. Correspondant à la longueur d'un pied humain, c'est-à-dire un peu plus de trente centimètres. Le pied égyptien équivalait à 30.5112 cm
Sous l'Ancien Régime, on le nommait "pied de roi" et valait 12 pouces soit 32,5 cm.
Les pirates pratiquaient le banditisme. Lors du partage de la prise entre les membres de l'équipage, des piles d’or de la hauteur d'un pied étaient distribuées à chacun en fonction de la hiérarchie, "prendre son pied" signifiant alors "prendre sa part de butin".
Le mot "pirate" provient du terme grec "peiratês", lui-même dérivé du verbe "peiraô" signifiant "s'efforcer de, essayer de, tenter sa chance à l'aventure".
Le mot "corsaire" a été emprunté à l'italien "corsaro" lui même dérivé du latin "cursus", "course". Il est attesté du XVe siècle, mais le terme de "pirate" était encore utilisé comme synonyme à la fin du Moyen Âge, d'où la confusion entre les deux acceptions.
Un corsaire est un membre de l'équipage d'un navire civil armé, autorisé par une lettre de marque (également appelée" lettre de commission" ou "lettre de course") à attaquer en temps de guerre, tout navire battant pavillon d'États ennemis, et particulièrement son trafic marchand, laissant à la flotte de guerre le soin de s'attaquer aux objectifs militaires. Les corsaires ne doivent donc pas être confondus avec les pirates puisqu'ils exercent leur activité selon les lois de la guerre, uniquement en temps de guerre et avec l'autorisation de leur gouvernement. Ce sont des civils qui combattent d'une façon indépendante avec un statut équivalent aux militaires mais sans être soumis à l'autorité d'un état-major, tout en obéissant aux lois de la guerre.
Un "équipage de prise" était envoyé sur le navire saisi avec mission : le ramener à bon port pour le revendre avec sa cargaison, débarquer les prisonniers, entrer en contact avec l'armateur et lui proposer leur libération contre rançon ou par échange avec un nombre équivalent de prisonniers.
Ces missions étaient très réglementées :
Lorsque les corsaires rentraient au port avec les marchandises et richesses volées "légalement" sur les mers, le capitaine corsaire déposait à l'Amirauté son rapport de mer dont l'examen par les officiers d'administration déclenchait une procédure de plusieurs jours.
Personne n'avait le droit de descendre à terre avant que les officiers d'administration n'aient dressé le procès verbal d'inspection du navire, vérifié que les scellés apposés par l'écrivain de bord sur les coffres, malles et armoires de la prise soient intacts.
Ensuite ils apposaient leur sceau sur les écoutilles pour éviter que des parties du butin de prise ne soient débarquées à la nuit tombée.
Enfin, ils interrogeaient les prisonniers et les menaient vers les prisons de la ville.
Alors seulement, l'équipage pouvait quitter le navire et attendait le verdict du Tribunal des Prises, nécessaire avant la vente aux enchères du butin de prise.
Le produit de la vente aux enchères des prises était alors partagé entre les personnes ayant collaboré à la capture de l'ennemi dans l'ordre des priorités :
L'État (Roi, République, Empereur) prenait entre 10 et 20 pour cent (c'est lui qui fournissait la lettre de marque).
Les frais (on payait la nourriture, la poudre, les munitions, ainsi que les réparations faites durant le voyage).
Les veuves et les blessés (les veuves prenaient deux fois la part de leurs défunts maris, et les blessés avaient une indemnité, fixée au départ en fonction de la partie du corps manquante, en plus de leur part).
L'armateur (ou le groupement d'armateurs, lorsque les frais d'armement étaient importants) prenait ensuite 30 pour cent du reste.
Enfin, chaque homme avait sa part en fonction de sa place dans l'équipage (le mousse=demi-part, le capitaine=25 parts, le chirurgien=25 parts etc…)
À partir du XVIIIe siècle, l'État se contente de droits d'enregistrement réduits afin d'encourager la prise de risque des armateurs. Le partage des prises devient alors : 2/3 pour l'armateur, 1/3 pour l'équipage
C'est en 1793, durant la Terreur, que la Convention montagnarde vota l'abolition du pied en France.
Durant le dix-neuvième siècle, presque tous les pays européens abandonnèrent successivement leurs pieds respectifs au profit du système métrique décimal. Cette unité est néanmoins encore utilisée dans beaucoup de pays anglo-saxons et d'anciennes colonies de l'empire britannique.
Les corsaires les plus célèbres :
Jeanne de Belleville (1300-1350), dite "La Tigresse bretonne ou La Lionne de Clisson ou La Lionne sanglante".
Jean Fleury (ou Florin), mort en 1527, corsaire dieppois. Il est connu pour avoir volé en 1522, le somptueux trésor de Guatimozin, dernier empereur aztèque, que Cortès envoyait du Mexique entassé dans deux caravelles.
Guillaume Allène, La Rochelle (1563-1583) dit "le capitaine provençal"
Jean Bart (1650 - 1702) corsaire dunkerquois
René Duguay-Trouin (1673 -1736), corsaire malouin.
Robert Surcouf (1773 -1827), corsaire malouin.