"En espèces sonnantes et trébuchantes"

chercheursdeverites Par Le 04/10/2014 0

Dans Expressions

Connaissiez-vous l'origine de l'expression "Payer en espèces sonnantes et trébuchantes" ?

Le pre teur et sa femme 1514 quentin metsys
C'est à partir du XVIe siècle que cette expression est entrée en usage. Elle désigne d'une manière plaisante les bonnes vraies pièces de monnaie.
Demander à être payé en espèces sonnantes et trébuchantes signifiait que l'on voulait être payé en monnaie authentique et neuve.
 

"Espèces"
Le mot "espèce" est issu du latin classique "species" et désignait le "regard", "l'aspect" donc, l'apparence. Mais "species" est également la racine du mot "épice".
Au XIIe siècle, par l'intermédiaire des croisades, l'Occident découvrit les épices que l'on utilisait dans la cuisine du Moyen-Orient. C'est Aliénor d'Aquitaine qui, séduite par les goûts que les épices conféraient aux mets de ces contrées, en introduit l'usage en France. Entre autres, le sucre (considéré comme une épice), la cannelle et principalement le poivre étaient extrêmement onéreux et réservés à une catégorie de gens fortunés. Denrées rares et précieuses, les épices servaient donc fréquemment de monnaie d'échange.
C'est vers la fin du XVe siècle, que le mot "espèce" prit en français le sens de pièce d'or ou d'argent.
Notons qu'au XVIIe siècle, selon la région où l'on vivait "payer en espèces" signifiait payer par tout autre moyen qu'en argent.

En espèces "sonnantes et trébuchantes"

Couronne d'or 1340 Philippe VI 1328 1350Cette expression tire son origine et prend tout son sens à partir d'une autre expression qui l'a précédée : "Le bon aloi", expression certifiée dès le XIIIe siècle.
Le bon aloi correspondait au titre légal d’or et d’argent que contenait la monnaie. "L’aloi" vient du verbe "allier", dont la forme ancienne était "aloyer".
Lorsqu'un roi voulait frapper des quantités de pièces de monnaie tout en n'y mettant pas une fortune en métaux précieux, il lui étaitEcu d'or Louis XII 1498 1514 facile de fausser les proportions et ainsi, de mettre en circulation des pièces de mauvais aloi (ou mauvais alliage) ne respectant pas la teneur d'argent ou d'or normalement prévue.
Pour vérifier leur aloi, les pièces de monnaie, lors de leur échange ou de leur dépôt, étaient donc soumises à deux épreuves :
- La première en faisant résonner les pièces sur une surface dure – plus une pièce sonnait et plus elle était pure. La pièce de monnaie était qualifiée de "sonnante" lorsqu'elle ne contenait pas de vil métal : pour une oreille avertie elle tintait de façon reconnaissable. Cette méthode empirique sera complétée un peu plus tard avec l'apparition d'une autre méthode : l'épreuve du "trébuchet".
1/ 4 d'écu d'argent 1643 Louis XIIIEn effet, les pièces de monnaie s'usaient pendant leur durée de vie et parfois certaines gens peu honnêtes grattaient les pièces pour en récupérer un peu de poudre d'or. Pour que la pièce ait le même poids moyen pendant toute sa durée d'usage, on lui donnait une surcharge à sa fabrication (frappe), surcharge qu'elle perdait peu à peu au cours de son passage de main en main. Cette surcharge était mesurable avec un "trébuchet". Le trébuchet, apparu au XIVème siècle, était une petite balance à plateaux servant pour la pesée de petits poids d'or, d'argent ou des bijoux. 
Une fois déclarée "sonnante", on vérifiait donc ensuite si cette espèceLouis d'or aux 4 L 1694 Louis XIV était également trébuchante, c’est-à-dire si elle avait encore le "trébuchant".
C'est donc l'usage combiné de ces deux méthodes qui donna jour à l'expression "espèces sonnantes et trébuchantes" désignant des pièces authentiques, neuves ou presque.

Autrefois, on parlait aussi de personnes de bon ou de mauvais aloi suivant qu'elles étaient de condition sociale élevée ou basse, respectivement.Ecu en argent de 6 et 3 livres Louis XVI
Au fil du temps et loin des "espèces sonnantes et trébuchantes", "aloi" est resté jusqu'à nos jours synonyme de "qualité" ou "d'authenticité.

 

 
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