Connaissiez-vous l'origine de l'expression "Échec et mat" ?
Cette expression est issue du persan "Esh-shah mat", c'est-à-dire "le roi est mort". Cependant, il y aurait eu une confusion entre le persan mata "mort" et le persan mat "étonné, paralysé". Shah mat signifierait alors plutôt "le roi est sans défense". Cette dernière étymologie correspondrait mieux au jeu, puisque le roi est la seule pièce à ne pas être "tuée" sur l'échiquier, mais à se rendre (le joueur couche la pièce) lorsque la partie est perdue.
C'est vers le VIIIe siècle que les Perses introduisent le concept de cette annonce de menace sur le roi adverse. Les règles sont ensuite modifiées pour interdire que le roi soit offert à la capture ou laissé sous la menace, considérant que la victoire par échec et mat était plus élégante ; la victoire par annihilation des défenses adverses tomba en désuétude. Le roi ne pouvait plus être capturé et la partie était finie dès qu'un joueur dont le roi menacé n'avait plus de coup possible, c'est-à-dire qu'il est en échec et mat.
Un peu d'histoire
La théorie dominante, attribue la naissance des échecs à l’Inde du Nord, vers l’an 500. Ils se seraient d’abord diffusés en Asie centrale, puis en Chine, suivant la route empruntée par le bouddhisme. Cette hypothèse conserve toute sa crédibilité et sa vraisemblance, mais elle souffre à tout expliquer. En effet, la majorité des traces historiques connues à ce jour incline plutôt à placer la naissance des échecs en Asie Centrale, entre Iran oriental, Afghanistan, Pakistan, Ouzbékistan, Tadjikistan, Turkménistan, Kirghizistan, Turkestan oriental, bref, tous ces pays qui, à cette époque reculée, se rattachaient à l’Empire sassanide ou, tout au moins, se trouvaient habités par des peuples parlant majoritairement des langues iraniennes.
Les recherches n'ont pas permis - à ce jour - d'amener des éléments concrets comparables pour l'Inde. Mais il reste une sérieuse objection : plusieurs caractéristiques des échecs chinois, le "xiangqi", paraissent plus primitives que celles des échecs primitifs indo-persans (chatrang, chaturanga). L’exploitation des sources archéologiques et le déchiffrement des textes anciens sont loin d’être achevés en Chine, et des découvertes ultérieures balaieront peut-être les réponses établies aujourd’hui. Qui plus est, l’énigme obéit peut-être à un schéma plus complexe d’influences multiples et superposées entre les civilisations et leurs jeux.
Les plus anciennes pièces d’échecs connues sont les sept qui ont été trouvées en 1977 à Afrasiab, près de Samarkand en Ouzbékistan. Il s’agit de petites figurines en ivoire, hautes de 3 à 4 cm : deux soldats à pied portant une épée et un bouclier, un cavalier pareillement armé, un éléphant monté et un homme chevauchant une sorte de fauve, deux chariots très différents l’un de l’autre, l’un étant probablement "royal". Ces pièces furent datées du VIIIe siècle, d'évidence avant 712 à cause de la présence d’une pièce de monnaie dans la même couche des fouilles. La première mention écrite des échecs, date du début du VIIe siècle, et nous vient de la Perse. Le jeu d'échecs (en persan "Chatrang" ou "Shatranj") entre dans l’Histoire au cœur de l’Iran médiéval, en opposant déjà deux armées de seize pièces.Trois textes rédigés en pehlevi (moyen persan) montrent que les échecs étaient connus dès l’an 600 en Perse, arrivés à la cour des empereurs Sassanides avec la délégation diplomatique d'un roi de l'Hind (Sind actuel, sur les berges de l'Indus).
Au XIe siècle, en Inde, apparaît une variante du jeu d’échecs à quatre joueurs et à l’aide de dés (le chaturajî). Ce jeu serait progressivement devenu un jeu à deux, principalement à cause de la difficulté à réunir quatre protagonistes. Les Européens ont continué d’utiliser les dés pour choisir leurs coups aux échecs standards jusqu’au XIIIe siècle au moins.
Lorsque les Arabes envahissent la Perse, ils adoptent le "chatrang" sous le nom de "shatranj". Les échecs connaissent alors un développement remarquable. C’est au cours des IXe et Xe siècles qu’apparaissent les premiers champions et les premiers traités. Les pièces sont stylisées en raison de l’interdiction de représenter des êtres animés.
L’arrivée des échecs en Europe se fait sans doute par l’Espagne musulmane aux alentours du Xe siècle, ou par l’Italie du sud (Sicile), se diffusant dans toute l'Europe à partir du XIe siècle.
L’échiquier s'occidentalise au milieu du XIIe siècle, les pièces devenant plus mobiles probablement en lien avec le développement de la poudre à canon qui rend l'artillerie des champs de bataille plus puissante :
- Le plateau devient bicolore avec les cases rouges et noires (qui deviendront plus tard blanches et noires) ; et du persan au français, en passant par l'arabe,
- le Vizir (en persan "farzin") devient "fierge" (ou vierge), puis reine et/ou dame ;
- l'Éléphant (en persan "pil") - "al fil" en arabe, demeuré alfil en espagnol - devient "aufin", puis "fou" (bishop : évêque en anglais) ;
- la Tour ("rukh" qui signifie aussi "bateau" en sanscrit) devient "roc" (d'où le verbe "roquer" en français), puis "tour" vers la fin du XIIe siècle :
- le Cheval (Asp), identique au cavalier moderne ;
- le Piéton (Piyadah), qui devient "paon" puis "pion".
N.B. Les éléphants accompagnaient toujours la marche des troupes perses. Ces animaux faisaient office de tours d’assaut mobiles causant la panique dans les rangs ennemis. C'est la plus puissante pièce du jeu indien, le char de guerre, corps d'armée spectaculaire grâce auquel les Aryens – ancêtres communs aux Indo-Européens – conquirent la vallée de l'Indus au IIe millénaire avant notre ère.